logo portailObservatoire du Dialogue
et de l'Intelligence Sociale
Se connecter

L'état social du mondeIV - 1. Projet collectif : de la difficulté de construire un monde meilleur

La mémoire historique est particulièrement importante pour une communauté en ce qu’elle fournit des références communes à toutes ses composantes. Elle constitue un socle essentiel à partir duquel analyser le présent et se projeter dans l’avenir. Mais les repères d’un collectif ne se retrouvent pas exclusivement dans le récit de son passé. C’est aussi et surtout dans sa capacité à se projeter dans un projet commun que se soude un groupe. La notion de projet de la société mondiale peut ainsi s’analyser en deux dimensions : les idéaux affichés et les méthodes internationales visant à les atteindre.

Les idéaux affichés : matrice citoyenne et monopoles mondiaux

La société mondiale est marquée par l’universalisation des normes produites par la mondialisation.

 

Expansion des échanges

La mondialisation : un phénomène ancien 

Le phénomène désigné par le terme de mondialisation apparaît dès l’Antiquité. En effet, les routes de la soie ont établi des liens d’interdépendance entre la Chine, l’Inde, la Perse, et les puissances de la Méditerranée depuis au moins le IIIème siècle avant J.C. Elles ont permis la diffusion de produits divers, mais surtout des échanges culturels et technologiques, mettant en relation des commerçants, des pèlerins, des missionnaires, des soldats…

A l’époque contemporaine, les échanges internationaux accrus et les liens d’interdépendance qui en découlent ont fait le succès du terme « mondialisation » il y a une trentaine d’années. Qu’ils soient matériels ou immatériels, ces échanges se sont accrus grâce aux progrès de la technologie numérique et des transports. L’expansion des échanges et des interactions humaines s’opère dans la plupart des domaines (politique, culturel, géographique, etc.). Néanmoins, le terme « mondialisation » est surtout utilisé dans son acception économique.

Depuis la fin du XXème siècle, sur les cent premiers acteurs économiques mondiaux, 55 étaient des firmes transnationales[1] : moins de la moitié étaient des états, qui s’avèrent donc moins puissants que les entreprises.

La mondialisation : les entreprises plus fortes que les états 

La mondialisation actuelle est portée par l’émergence de multinationales, de grandes entreprises présentes dans de nombreux pays. D’après les Nations Unies, leur présence s’est beaucoup accrue ces dernières années : elles étaient à peine 7.000 en 1980, contre 64 000 en 2002, contrôlant 870 000 filiales et représentant 70% des flux commerciaux mondiaux.

Certaines firmes ont un pouvoir équivalent, voire supérieur à celui de certains Etats : ainsi, en 1999, la société américaine Ford équivalait à la Norvège, et les japonais Mitsui et Mitsubishi respectivement à l'Arabie saoudite et à la Pologne.

 

Normalisation des produits et des échanges

Les entreprises multinationales sont marquées par des intentions universelles. Les échanges tous azimuts encouragent et vont jusqu’à forcer le partage de normes communes : il y a ainsi harmonisation progressive des standards, des règles et des pratiques dont la diffusion mondiale est visée. Que ce soient des productions de l’industrie audiovisuelle, automobile, numérique, agroalimentaire, pharmaceutique, cosmétique, la consommation planétaire de produits constitue un vecteur de diffusion de savoirs, de comportements et donc de valeurs.

Les entreprises productrices 

Le format CD-Rom, inventé par Philips, s’est imposé dans le monde entier. En informatique, le système d’exploitation Windows domine de façon prépondérante le marché mondial des systèmes d’exploitation et occupe de facto une situation de quasi-monopole. Coca-Cola ou McDonald’s diffusent en même temps que leurs produits alimentaires leurs principes de nutrition.

Toutes les démarches de coopération internationale sur des sujets concrets sont également des vecteurs de partage de connaissances, de repères communs et de valeurs communes.

Les états producteurs de normes 

Le partage de normes de sécurité aérienne communes dans le monde entier et les efforts de coopération des experts internationaux afin de comprendre les causes des accidents aériens en prenant en compte tous les facteurs envisageables ont fait de l’avion l’un des moyens de transport les plus sûrs. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a aussi joué un rôle de première importance en assistant différents pays dans le développement des services au sol nécessaires à l'aviation civile, à travers la création de centres de formation régionaux. Ces efforts auront permis l’envoi de missions de coopération technique dans près de 100 pays et la formation de 100 000 personnes.

 

IMPACTS

Mutualisation des bonnes pratiques

Le processus de mondialisation économique organise le partage de valeurs au niveau planétaire. Sans toujours le vouloir, en visant à promouvoir les meilleures pratiques et une meilleure efficacité dans tous les domaines, il contribue à la création d’une matrice citoyenne universelle.

Les expositions universelles

Ainsi, des expositions internationales sont organisées depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, d’où la création en 1928 du Bureau international des expositions, qui en distingue trois types : les expositions internationales, les expositions universelles et les expositions spécialisées. D’après cette même institution, les expositions sont des « lieux uniques de rencontre où l'éducation passe par l'expérimentation, la coopération par la participation et le développement par l'innovation. Elles sont l’expression d’un message d’intérêt universel ; une expérience éducative et récréative ; des laboratoires d’expérimentation montrant l’extraordinaire et le nouveau ». Quant à leur impact, à titre d’illustration, l’Exposition Universelle de 1851 à Londres aurait déjà rassemblé plus de 14 000 exposants, attirant plus de six millions de visiteurs ; par la suite, l’Exposition Universelle de 1900 à Paris aurait réuni plus de 76 000 exposants et aurait accueilli plus de 50 millions de visiteurs en six mois.

 

Les salons professionnels

8 500 salons sont organisés chaque année dans le monde, auxquels s’ajoutent des congrès et des conférences internationales thématiques. Chacune permet de faire progresser les connaissances par la mutualisation des expériences et l’échange.

En France, aujourd’hui en 2014, l’Ile-de-France accueille chaque année 400 salons mondiaux. Cela génère 3,6 milliards d’euros de retombées économiques, et Paris reste le leader mondial dans l’organisation des salons et congrès internationaux, comptant avec près de 680 000 m2 de surfaces d’expositions et environ 9 millions de visiteurs par an pour les salons.

Cette logique événementielle organise la mutualisation des informations dans le champ économique, mais aussi dans le domaine scientifique. Lequel s’est structuré au siècle dernier. Ainsi, on dénombre à ce jour 24 disciplines scientifiques principales, décomposables en sous-ensembles totalisant plus de 550 disciplines. La plupart d’entre elles sont récentes, et n’ont pris leur essor qu’au tournant du XXe siècle.

 

Répartition inégale du pouvoir

Mais, malheureusement, le nivellement peut également s’opérer par le bas. Il suffit parfois qu’une pratique déloyale montre son efficacité pour qu’elle se répande. Plus perturbant encore, les intérêts particuliers des différentes parties prenantes étant d’autant plus hétérogènes que l’on souhaite résoudre des problèmes complexes, certains accords internationaux ne parviennent pas à s’élever au-dessus du plus petit dénominateur commun.

L’imbroglio des interactions explique la lenteur, voire les échecs apparents des négociations multilatérales. Ainsi, en matière commerciale, le cycle d’Uruguay (Uruguay Round), le plus important des cycles de négociations internationales dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade ou GATT) s’est opéré entre 1986 et 1994. Huit années pour un accord : comment les négociateurs ne pourraient-ils pas perdre l’attention du citoyen non averti, et de l’observateur éloigné ? Aussi, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) peut être perçue comme un instrument visant à asseoir la domination des intérêts de certains. 

Des oligopoles

Certains secteurs clef sont ainsi « dominés » par deux, trois ou quatre multinationales : dans l’aéronautique et l’aviation, les leaders mondiaux sont Boeing, United Technologies Corporation et EADS ; l’agroalimentaire est dominé par Cargill, Nestlé et Procter & Gamble ; l’industrie pharmaceutique l’est par Pfizer, Merck et GlaxoSmithKline, Roche et Novartis ; quant au secteur de l’énergie et de l’eau, il est dominé par Exxon Mobil, BP, Total, Shell et ChevronTexaco, les cosmétiques par l’Oreal, Colgate Palmolive et Gillette.

Les phénomènes de concentration se traduisent par la domination de quelques grandes entreprises[1].Du fait de leur taille et de leur maîtrise technologique, ces organisations privées sont en mesure d’imposer leurs conditions au marché. Elles peuvent étendre leur domination dans le champ politique en apportant leurs moyens financiers, logistiques et intellectuels aux acteurs politiques qui en manquent souvent. Le lobbying n’est que la partie visible de l’iceberg. Ce déséquilibre d’atouts et de forces devient problématique puisqu’il relègue de facto l’immense majorité des acteurs à des rôles marginaux dans l’élaboration des diagnostics et des projets.

 

[1] Cf. « The World’s Largest Companies by Sector », www.transnationale.org, pour la liste des grandes entreprises par secteur d’activité. Les chiffres d’affaires de ces entreprises sont des indicateurs permettant de se faire une idée de leur poids dans le marché mondial : ainsi, en matière d’aéronautique et aviation, les leaders mondiaux sont Boeing (61,5 milliards de dollars en 2006), United Technologies Corporation (54,8 milliards de dollars en 2007) et EADS (44,5 milliards en 2005) ; en matière d’aliments, les marchés sont dominés par Cargill (88,3 milliards en 2007), Nestlé (78,6 milliards en 2006) et Procter & Gamble (76,5 milliards en 2006) ; en industrie pharmaceutique, Pfizer arrive en tête avec 52,5 milliards en 2004, suivi par Merck avec 51,8 milliards, puis GlaxoSmithKline avec 45,5 milliards en 2006, Roche avec 40,6 milliards et enfin Novartis (36,7 milliards en 2006) ; quant au secteur de l’énergie et de l’eau, il est dominé par Exxon Mobil (377,6 milliards en 2006), BP (291 milliards en 2007), Total (199,9 milliards en 2006), Shell (179,4 milliards en 2002) et ChevronTexaco (142,9 milliards en 2004). 


[1] Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), 1999, Rapport mondial sur le développement humain, 262p.

 

[1] Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), 1999, Rapport mondial sur le développement humain, 262p.

31/07/2015
Ce site utilise des cookies + OK