Le dialogue est le nouvel enjeuL’information est partout. Il ne s’agit pas d’abonder au flux, mais de l’articuler de façon utile pour tous à long terme : l’ère de l’écoute mutuelle émerge.
Informer et faire remonter l’information ne suffit plus.
Bien sûr, expliquer est une réponse à l’obligation de pédagogie, d’information transparente, de partage de savoirs. Mais, si l’explication est éclairante pour l’auditeur attentif, elle comporte cependant plusieurs limites : certains peuvent être en désaccord, d’autres ne pas comprendre, d’autres enfin ne pas écouter parce qu’en rejet a priori de l’émetteur, ou tout simplement absents. De plus, si seul l’expert devrait s’autoriser à transmettre de l’expertise, de nombreux amateurs n’hésitent pas également à s’y essayer sans avoir toujours pris les précautions de vérification de leurs savoirs. Mais qui, dans notre monde inondé d’informations, est certain d’avoir vraiment tout compris au point de n’avoir plus qu’à expliquer ? Et qui, même parmi ceux qui auraient tout compris, se trouve vraiment en situation de légitimité auprès de ses publics au point de pouvoir se faire vraiment écouter, entendre et comprendre ?
Ecouter est indispensable lorsque l’on ne détient pas tout le savoir nécessaire pour vraiment bien comprendre. Lorsque le dirigeant sait qu’il ne sait pas tout, l’écoute lui permet de saisir les attentes, les situations, les savoirs, les expériences. Après avoir entendu, il est censé avoir mieux compris. Mais il court alors deux risques lorsqu’il prend la parole. D’une part, s’il a bien entendu toutes les parties prenantes, il est le seul à l’avoir fait, et il reste le seul en situation d’avoir tout compris. Au moment où il fait part de son analyse et de ses préconisations, tous ceux qui comprennent qu’ils n’ont pas été suivis, peuvent se sentir trahis ou plus simplement en droit, selon le principe élémentaire de réciprocité, de ne pas le suivre. D’autre part, n’ayant pas forcément été au bout du raisonnement de certains, pour ne pas les avoir mis tous en situation de disputation démocratique transparente, il prend le risque d’avoir à donner raison aux intérêts particuliers dont le raisonnement est le mieux articulé. Pourtant, n’avoir pas procédé à la confrontation constructive de tous les raisonnements constitue bien un dommage pour la quête de la vérité, la maitrise de l’argumentation n’étant pas une garantie d’avoir raison sur le fond.
Les techniques de communication et d’écoute doivent être agrégées dans des liens interactifs continus.
A une époque où la diversité de l’information forge autant d’opinions que de personnes, chacun veut de plus en plus s’exprimer pour participer à l’élaboration des décisions et refuse d’adhérer a priori. Le rôle nouveau du dirigeant devient ainsi d’animer l’écoute mutuelle en s’assurant de l’inclusion de toutes les parties prenantes dans un échange constructif. L’évidence se fait que l’explication, et l’écoute même, ne suffisent pas à garantir un dialogue de qualité et à faire émerger des innovations porteuses d'intérêt général : il faut réfléchir avec tous, en animant des liens interactifs permanents.
Ainsi, une bonne gestion conduit les organisations, qu’elles soient à caractère économique, politique ou social, à valoriser la participation de leurs interlocuteurs en les écoutant attentivement et à les faire s’écouter les uns les autres. La relation dirigeant-dirigés doit à présent reposer sur le dialogue, l’écoute, la reconnaissance et le respect mutuel, nouvelles bases de la confiance.
Ecrire et appliquer le tome II du Discours de la méthode
Seule une réflexion collective, construite de façon rigoureuse, génère des projets solides recueillant l’adhésion du plus grand nombre. Or, le dialogue est à la fois simple et complexe : la différence est ténue entre une discussion d'où jaillit la lumière et un dialogue de sourds, générateur de frustrations et amplificateur de divergences. La science du dialogue, la dialectique, répond à des méthodes et des principes bien définis[1]. Transcender les intérêts particuliers et forger une vision commune des contraintes et projets supposent de définir et mettre en œuvre une méthode de réflexion collective qui saura organiser la confrontation objective et constructive des différents avis et propositions.
Maîtrisée et appliquée, la dialectique accroît directement la performance. La méfiance généralisée entre dirigeants et dirigés provient du manque de maîtrise de la dialectique. Ainsi mode de gouvernement, mode managérial et mode relationnel sont remis en cause. Dans les différentes sphères économiques, sociales et politiques, les dirigeants doivent s’adapter et apprendre à puiser dans ce gisement encore inexploité qu'est le dialogue avant d’engager des décisions.
Deux siècles après l’apparition de l’imprimerie, dans son « Discours de la méthode [2]», René Descartes posait les principes de l’organisation de la réflexion individuelle. Nous devons à présent écrire le tome II de ce Discours de la méthode, qui y ajoute les principes de la réflexion collective.
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